Depuis plusieurs années, la France voit se développer un phénomène inquiétant: la banalisation progressive de la parole raciste. Ce qui hier encore aurait provoqué un scandale public circule désormais sans gêne, presque comme un avis ordinaire. Dans les conversations du quotidien, sur les réseaux sociaux, dans les médias et même parfois au sein du discours politique, la figure de «l’étranger» devient un coupable désigné, une explication simpliste aux difficultés du pays.

La méfiance envers ce qui n’est pas perçu comme «français de souche» s’est installée dans l’esprit de nombreux citoyens. Qu’il s’agisse d’immigrés, de visiteurs, de travailleurs venus d’ailleurs, ou même d’individus nés sur le territoire mais héritiers d’une culture différente, la suspicion s’impose en silence, parfois jusque dans les institutions.

Bien sûr, la France n’a jamais été un monde exempt de tensions. Des violences, des injustices et des discriminations ont toujours fait partie de son histoire, comme partout ailleurs. Ce qui change aujourd’hui réside dans la manière dont ces préjugés sont assumés et exprimés. La frontière entre l’acceptable et l’inacceptable s’est déplacée, et l’on s’habitue à ce glissement.

Une France en quête de repères

Si cette crispation identitaire se renforce, c’est aussi parce que la France traverse une crise profonde. De nombreux Français ne reconnaissent plus le pays qui les entoure. Leur sentiment d’appartenance, leur système de valeurs, ce qui leur servait de boussole culturelle, semblent s’effriter.

La France s’est longtemps définie comme une nation marquée par la tradition chrétienne, même chez ceux qui ne pratiquaient pas. Cette empreinte permettait de partager un calendrier, des références culturelles, une vision du monde, une certaine conception de la famille et du vivre-ensemble. Or, cette base se fragilise. La montée de l’athéisme, l’individualisation croissante, l’apparition de nouvelles représentations identitaires ou sexuelles, tout cela bouscule profondément des repères jugés stables pendant des siècles.

Face à cette perte de cohérence, certains se replient. Ils s’attachent à ce qui leur semble rester, et pour certains, cela se traduit par la peur ou le rejet de l’autre. Le racisme devient alors une réaction face au vide, une manière de défendre une identité ressentie comme menacée.

L’islam, entre peur et incompréhension

Depuis les derniers attentats sur le sol français, une haine grandissante envers l’islam se fait sentir. Une partie de la population perçoit cette religion comme un peuple envahisseur, violent et dominateur. Pourtant, il est crucial de distinguer l’islam modéré, pratiqué comme le christianisme par la majorité de ses fidèles, d’un islam radical qui s’attaque parfois à ses propres frères et sœurs musulmans. Tous les musulmans ne sont pas dangereux, loin de là.

Cette peur se traduit particulièrement par une hostilité envers le voile et certaines manières de s’habiller. Pourtant, la France est un pays laïc: chacun est libre de ses pratiques religieuses et vestimentaires tant que celles-ci ne gênent pas autrui, conformément à la loi sur la laïcité et la liberté individuelle (loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État). La tentation de répondre par la haine ou la stigmatisation, qu’elle vienne de l’extrême droite ou d’autres mouvements, fragilise un équilibre déjà précaire.

Le multiculturalisme, comme celui qu’a su développer l’Angleterre, est un exemple de ce qui est possible, même si cela reste complexe: ce qui est sacré ou légitime pour l’un peut être incompréhensible pour l’autre. C’est un exercice délicat, mais il montre que vivre ensemble est réalisable lorsque le respect et la connaissance mutuelle guident les échanges.

Des services publics et la scène politique en crise

À cela s’ajoute la dégradation progressive de ce qui faisait la force et la fierté nationale. L’hôpital se fatigue, l’école peine à remplir ses missions, la justice manque de moyens, les transports perdent en qualité. Pendant ce temps, les gouvernements successifs donnent l’impression de naviguer sans direction durable.

Ce manque de cohésion interne projette une image de fragilité. La France, autrefois modèle social et politique admiré, apparaît sur la scène internationale comme une puissance fatiguée, presque nostalgique d’elle-même.

Politiquement, les royalistes semblent retrouver un certain regain d’intérêt. Leurs programmes paraissent parfois plus cohérents et rassembleurs que ceux de partis traditionnels divisant la population depuis la chute de la monarchie française. Je ne me prononcerai pas sur le choix personnel à adopter, mais ce mouvement témoigne d’un désir de repères clairs et de stabilité.

Quel avenir voulons-nous?

La France se trouve à un moment décisif. Deux chemins se dessinent.

Le premier conduit vers la peur, l’hostilité, la fermeture, l’appauvrissement culturel et social.

Le second demande de retrouver le sens du dialogue, de la transmission, de la mémoire collective, de la cohésion.

Retrouver confiance en soi, en tant que nation, passe par l’acceptation de la complexité. La France n’a jamais été un bloc identitaire fermé; elle s’est construite par échanges, influences, rencontres, unions.

L’enjeu n’est pas simplement politique. Il touche à ce qui fait civilisation.

La question demeure ouverte:voudrons-nous demain une France repliée, amère et fracturée, ou bien une France qui assume son histoire et son multiculturalisme pour mieux avancer?

Espérons que l’avenir de la France s’éclairera.